lundi 5 mai 2008

002 - Le théâtre de Feydeau

Je n'ai jamais autant regardé la télévision que depuis mon retour de Montréal.

Avant de partir, je la regardais peu... Au Québec, je ne la regardais plus du tout (trop de chaines anglophones proposées par rapport aux chaines francophones, pauvreté des programmes, et puis, si en France nos programmes subissent des coupures de publicité, au Québec, on peut dire que ce sont les publicités qui subissent des coupures de programme !!!).

La bonne surprise au retour a été donc de constater que le choix français était plutôt étendu en matière de programmes, et que, sans posséder le câble ou le satellite, on pouvait trouver dans la semaine plusieurs émissions fort regardables.

J'ai, par exemple, beaucoup apprécié une série hebdomadaire tirée des œuvres de Maupassant.







Et puis, il semble que ce soit le grand retour du théâtre à la télévision. Je viens d'entendre que la pièce jouée en direct samedi soir et retransmise par France 2 avait attiré plus de 5 millions de téléspectateurs. Une pièce de Georges Feydeau, "Tailleur pour dames"

S'il est un auteur sur lequel on peut compter pour se garantir d'un succès, c'est bien Georges Feydeau ! Feydeau est au théâtre ce qu'Escher est au dessin : un génie, unique en son genre, inégalable et inimitable.

Je n'ai jamais lu de Feydeau à l'école... Nous en étions restés à l'indéboulonnable Molière.. et je suis prêt à parier que c'est toujours lui qu'on enseigne allègrement dans les écoles ! Molière, c'est bien...mais ça commence à dater un peu, je trouve !

Ma première pièce de Feydeau, je l'ai vue lorsque j'avais 24 ou 25 ans, par une troupe d'amateurs à Paris. C'était "Mais n'te promène donc pas toute nue !". Très drôle, forcément ! Un vrai régal !

Le théâtre de Feydeau, c'est le théâtre de boulevard par excellence. Des quiproquos (un travail d'orfèvre !), des femmes et des maris trompés, des amants cachés dans le placard, des domestiques avec un sacré sens de la répartie... Et ce n'est absolument pas démodé... à tel point que les pièces de Feydeau sont toujours jouées, et avec beaucoup de diversité, à Paris et en province (en cherchant sur Pariscope.fr, il s'en joue actuellement 33 !).

Une autre pièce, que j'avais vue jouer à la télévision par des sommités de la comédie française (Denise Gence, Jean le Poulain, Catherine Samie) était "La Dame de chez Maxim" Difficile de résumer cette pièce en quelques lignes... Par toute une série de quiproquos, un médecin marié se trouve devoir animer une soirée dans la bourgeoisie de province, en compagnie de sa femme... Mais celle qui se présentera comme sa femme est en fait, ce que tout le monde ignore, une femme de petite vertu, la "Môme Crevette" plus habituée aux cabarets qu'aux soirées mondaines. Je l'ai donc revue il y a quelques semaines, avec des comédiens beaucoup plus contemporains, mais qui jouaient avec brio. En voici donc un extrait (la Môme Crevette est invitée à chanter devant l'assistance, mais elle choisit une chanson paillarde, ce qui passe malgré tout car la plupart des invités, hormis les soldats et le malheureux médecin, ignore le sens des paroles)


La mise en scène était parfaite. Il faut dire que Feydeau écrivait non seulement ses pièces avec une grande précision, mais qu'il en a écrit aussi la plupart des mises en scène. Avant chacun des textes, il y a toutes les précisions concernant le décor, les accessoires, les jeux de scène, la position des comédiens. En général, il n'y a donc qu'à suivre les indications de l'auteur. Là, l'interprétation était parfaite. Et tant mieux, car la pièce la mieux écrite du monde peut se traduire par une catastrophe sur scène si les comédiens ne sont pas dans le ton. Je me souviens d'un déplorable "On purge Bébé" avec pourtant le drôlissime Michel Galabru. La même pièce, avec Serrault, Poiret et Maillan se regarde sans se lasser. (Il y a une phrase de la maitresse de maison, qui passe souvent inaperçue, mais qui est follement drôle -car toujours terriblement actuelle ! - et qui dit "Ce n'est pas un de mes amis. Tu vois donc bien que je ne peux pas en dire du mal !"

Il y a une trentaine d'années, alors que la télévision n'était pas l'industrie qu'elle est aujourd'hui, le théâtre et les comédiens de la comédie française faisaient les grandes heures du théâtre. Qui se souvient pourtant de Jacques Charon, Micheline Boudet, Robert Manuel, Jean Piat, Robert Hirsh, Louis Seigner ? On leur doit pourtant des interprétations mémorables de pièces telles que "Le Dindon", "La Puce à l'oreille", "Feu la mère de Madame".

Moi-même (mais je dois avouer que je suis un inconditionnel de Georges Feydeau), je possède plusieurs cassettes et DVD.

Mais aussi un gros livre rassemblant une douzaine de pièces, qui m'avait suivi à Montréal.

Alors, si les français se trouvent un goût pour les bonnes pièces de théâtre, tant mieux !!! Ça nous changera des gugusseries américaines que l'on retrouve par vague à chaque saison sur nos écrans (quand ce n'est pas du surnaturel, c'est du médical... Cette année, c'est du policier avec de la recherche scientifique)




4 commentaires:

V à l'Ouest a dit…

Moi qui ne regarde pas du tout la télé, si je savais qu'"Au théâtre ce soir" reprenait du service, je me précipiterais sur le poste. Que de bons souvenirs !
Et moi, je me souviens bien de tous ces acteurs que tu cites, comme beaucoup de gens de notre génération et des plus âgés. Comme tu le dis, après tout, à l'époque il n'y avait que 2 chaînes et on regardait donc tous la même chose !

Alcib a dit…

Je comprends tout ce que tu écris ici ;o)
Je suis abonné au câble et il se passe parfois plusieurs jours dans la semaine sans que j'allume le téléviseur. Du vendredi au lundi, je ne l'allume généralement pas du tout.
Comme tu as raison de dire que les programmes ne sont que des entractes dans la présentation de publicités ! C'est révoltant, écoeurant, dégradant ! Mais comme nous sommes en Amérique du Nord, personne ne proteste. On saute même le générique des films pour pouvoir vendre plus de publicités !

Je me souviens, il n'y a quelques années, il me semble, il y avait au moins une fois par semaine du théâtre à l'antenne de TV5. Je ne vais pas souvent au théâtre mais ces pièces présentées à la télévision, j'essayais de n'en manquer aucune. Avec des comédiens comme Michel Galabru, Michel Serreault, Michel Bouquet, Jean Piat, Brialy, et tant d'autres monuments dont les noms ne me viennent pas à l'esprit en ce moment, c'était toujours un régal !
Je crois que j'ai dû voir toutes les pièces de Feydeau car tous ces titres me disent quelque chose.

Louis Seigner, je l'ai revu encore avec émotion, hier soir. J'ai regardé sur YouTube, en dix tranches de moins de dix minutes, le film de Jean Delanoy, « Les Amitiés particulières », tiré du roman de Roger Peyrefitte qui a changé ma vie, qui lui a donné un sens. On y retrouve un jeune Michel Bouquet et un Louis Seigner plus âgé. Je ne voulais pas pleurer, hier soir, mais c'était difficile de retenir mes larmes. C'est un peu moins léger que du Feydeau, mais les dialogues sont si bien écrits, par Pierre Bost qui a fait l'adaptation du roman.
Maintenant, j'aurais le goût de revoir et de relire « La ville dont le prince est un enfant », pièce de Montherlant, qui en a fait plus tard un gros roman intitulé « Les garçons ».
Ça me manque aussi des émissions de la qualité des « Rois maudits » (dont j'ai maintenant une copie en DVD... grâce à qui ? ;o)
Vous souvenez-vous de la série « Au plaisir de Dieu », d'après le roman de Jean d'Ormesson ? Pour moi, ce fut une autre merveille.
Merci de me rappeler tous ces souvenirs, toutes ces émissions qui nous ont faits, en sommes.

L²V² in USA a dit…

j ai vu le dindon, quand je suis revenue en france pour noel, trop bien

Chasseur d'images a dit…

Oui, oui, je me souviens de "Au plaisir de Dieu". Et, d'un autre académicien, il y avait eu un téléfilm que je n'ai vu qu'une fois, mais qui m'avait pas mal marqué... "Au bon beurre", d'après Jean Dutourd.